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Le futur du travail: Comment les trois grands besoins fondamentaux vont façonner l'avenir

2 juillet — 2024

Jean-François Grenon
Directeur ⏤ Recrutement et développement de l'équipe

On se projette souvent dans le futur du travail en tentant de déterminer les nouvelles tendances qui redéfiniront notre quotidien. Prenons un moment pour identifier quelques-unes de celles qui ont modifié notre quotidien au cours des 30 dernières années.

Maintenant, en 2024, est-ce que l’intelligence artificielle va changer le monde du travail ? La réponse est simple. Oui.

Pourquoi être aussi convaincu ? Parce qu’internet et l’informatisation ont totalement changé le monde du travail depuis 20 ans. Ce qui va arriver est passablement compliqué à prédire. Cela dit, le futur du travail peut être analysé sous l'angle des impacts sur les personnes, en se basant sur nos trois grands besoins fondamentaux.

Selon la théorie de l’autodétermination, développée par Deci et Ryan, les humains ont trois grands besoins psychologiques fondamentaux : l’autonomie, le sentiment de compétence et l'affiliation sociale. Ces besoins sont universels et valides aujourd’hui, tout comme ils l'étaient avant la pandémie, et ils le resteront probablement pour les années à venir.



L’autonomie

L’autonomie représente le besoin de se sentir indépendant·e, de contrôler sa vie et de prendre des décisions en accord avec ses motivations, intérêts et valeurs. La pandémie, conjuguée à la pénurie de main-d'œuvre, a contraint les employeurs à offrir plus d’autonomie, notamment par le biais de la flexibilité d’horaire. Le mouvement en faveur de la semaine de 32 heures n’a d’ailleurs jamais été aussi fort.

Parallèlement, la productivité est en chute libre dans plusieurs pays. Beaucoup d’entreprises accusent le télétravail d’avoir créé ce phénomène et forcent le retour au travail, en présentiel.

« 2022 is the first year since 1983 that average productivity per worker has declined year-over-year for three consecutive quarters.

Workers are working more and producing less, at a time when their financial stress is the highest since 2008. »

⏤ CNBC - Worker productivity falling at fastest rate in four decades

On peut tout de même croire que le besoin d’autonomie continuera à croître dans le futur. Cependant, pour vouloir plus d’autonomie, il faut d’abord parler de responsabilisation. Il est bien connu qu’il est tentant de faire son lavage et de préparer le repas du soir en plein milieu de la journée de travail!

Le vieux concept de communiquer des attentes claires redeviendra ici nécessaire. D’ailleurs, plus de 50 % des employé·es aux États-Unis ne savent pas ce qui est attendu d’eux·elles au travail. La responsabilisation est un enjeu majeur, et la surveillance des écrans et du temps de travail n’est certainement pas la solution pour mener à des travailleur·euses accompli·es. Cependant, la pression sur les gestionnaires est déjà très forte dans un contexte hybride, et plusieurs études reconnaissent les hauts risques pour la santé mentale dans l’environnement actuel.

Dans le milieu professionnel, l’autonomie rime avec la possibilité de décider et de faire ses choix. La personnalisation de l’expérience de travail prendra sans doute de plus en plus de place dans le futur. Quand on parle de personnalisation, on peut penser à :


  • La flexibilité dans les défis et rôles : Passer toute sa carrière dans un même poste attire moins les jeunes travailleur·euses. 
  • La flexibilité d’horaire : Organiser son travail en utilisant son propre jugement est une tendance forte. Choisir son horaire selon ses préférences et livrer des résultats est une pratique de plus en plus populaire.
  • La flexibilité de rémunération globale : Chaque génération de travailleur·euses a des besoins différents. Que ce soit au niveau des avantages sociaux ou de la rémunération directe, les personnes voudront pouvoir choisir ce qui a le plus de valeur à leurs yeux.


Finalement, on ne pourrait pas parler d’autonomie sans évoquer l’intelligence artificielle. Pendant longtemps, on pensait que l’IA et la robotisation allaient affecter principalement les emplois traditionnels et manuels. Ce n’est pas nécessairement le cas. La vitesse du changement que nous vivons actuellement est sans précédent. Il suffit de passer deux minutes sur ChatGPT pour s’en rendre compte. Les tâches administratives et répétitives, l’analyse de textes, la traduction, l’analyse et la création d’images sont toutes des responsabilités que l’IA accomplit mille fois plus rapidement que nous. Oui, les professionnel·les qui effectuent des tâches routinières et répétitives risquent fort d’être remplacé·es par une machine.

La bonne nouvelle, c’est que ça nous permettra de faire beaucoup plus ; le travail va évoluer et changer. Les emplois risquent de devenir plus complexes et vont nous libérer du temps et nous permettre d’aller beaucoup plus loin. Avec la prolifération rapide de ChatGPT, Gemini, MidJourney, et autres, il faudra également apprendre à utiliser ces nouveaux outils. Ce sera à chacun·e de se développer, de s’ouvrir, d’embrasser le changement et d’avoir la curiosité d’exploiter ces technologies à son avantage. Ces outils actuels et ceux à venir permettront de devenir extrêmement plus autonomes et d’acquérir un vaste champ de compétences, autrefois inaccessibles à beaucoup.

C’est donc une occasion unique de saisir l'opportunité d’être autonome, de faire des choix et d’utiliser son libre arbitre dans le futur du travail.

En résumé:

  • Il faudra établir des attentes très claires et responsabiliser les individus dans un environnement de plus en plus flexible.
  • Miser sur la personnalisation de l’expérience de travail sera une manière de renforcer le besoin d’autonomie.
  • L’IA nous permettra d’être plus autonomes, pourvu que nous soyons ouverts à tous les nouveaux outils à venir, qui transformeront radicalement notre quotidien.

Le sentiment de compétence

Le sentiment de compétence est représenté par le besoin de se sentir capable d’accomplir des choses et d’être efficace dans ce qu’on fait. Il est lié à l’estime de soi, à la poursuite d’objectifs et à la volonté de contribuer à quelque chose de plus grand que soi. Nous avons besoin de nous sentir compétent·es, de sentir que nous sommes efficaces, que nous progressons et que nous atteignons des résultats.

Avec l’arrivée de l’intelligence artificielle au quotidien, les compétences seront mises à l’épreuve. Les innovations comme ChatGPT, MidJourney et autres ont totalement changé la donne dans plusieurs secteurs d’activités en seulement un an! Des tâches et responsabilités autrefois associées à des professionnel·les et à des personnes avec de « hautes études » voient leur statut menacé. L’IA risque fortement de remplacer des humains dans leurs fonctions, tout comme l’ordinateur a remplacé des humains dans leurs fonctions il y a 30 ans.

L’IA génère des solutions basées sur des données existantes, alors que les humains sont en mesure de penser en dehors de la boîte et d’inventer des concepts entièrement nouveaux. L’intelligence humaine englobe la compréhension des émotions, l’empathie et les interactions sociales complexes, que l’IA ne peut actuellement pas reproduire.

Il ne faut donc pas paniquer ; l’humain a sa place dans le monde du travail. C’est une évolution! Toutefois, il est fondamental d'accueillir à bras ouverts ce que l’IA peut faire pour changer le quotidien. C’est une opportunité et non une menace, même si ça peut sembler très menaçant. 

Il y a 3 grandes pistes à explorer pour maintenir un sentiment de compétence dans le futur du travail. 


1 - Passer du temps sur des tâches plus complexes.

Premièrement, comme mentionné précédemment, la multiplication des outils va permettre de se concentrer sur des tâches plus complexes. Historiquement, des logiciels comme le traitement de texte ont créé une couche supplémentaire qui a permis de réaliser une multitude de choses plus rapidement. L’intelligence artificielle génère à son tour une couche supplémentaire qui augmentera la productivité.

L’IA offrira également un accès à une base d’expertise dans une multitude de domaines. Par exemple, même sans être un rédacteur hors pair, il est maintenant possible de rendre un texte attractif. Une organisation peut, par exemple, afficher une description, en vérifier l’orthographe et la syntaxe, la rendre attrayante et claire, et ce, sans faire appel à aucun·e expert·e. Cette nouveauté permettra d’être plus polyvalent, mais risque aussi d’obliger à l’être davantage dans les organisations. Il ne faut pas penser que l’expertise ne sera plus nécessaire, c’est tout le contraire. Ces expert·es auront simplement l’occasion de pousser leurs réflexions beaucoup plus loin.

La manière dont l’intelligence artificielle améliore l’efficacité se résume en deux points : gagner du temps et réduire les erreurs. Cela signifie que chacun·e peut parcourir ses listes de tâches simples et routinières plus rapidement et avec moins d'erreurs, se concentrant ainsi sur des tâches nécessitant beaucoup plus de créativité.


2 - La polyvalence comme vecteur de succès. 

Deuxièmement, l’IA libérera considérablement plus de temps pour, entre autres, créer, automatiser et innover. Plus de temps signifie plus d’opportunités ce qui mène vers le développement de nouvelles compétences. La nécessité de devenir plus polyvalent·es sera nécessairement poussée de l’avant par l’IA, menant à un monde de curiosité intellectuelle, de résolution de problèmes, d’analyses et de formation.

Il ne faut pas se leurrer. Pour certaines personnes, ce sera plus facile, pour d’autres, ça demandera une adaptation qui sera plus difficile; un peu comme le début de la pandémie où certaines personnes se sont facilement adaptées au télétravail alors que ce fût beaucoup plus ardu pour d’autres. 

Il y a une réelle nécessité à rester ouvert·es et à accepter ce nouveau paradigme de polyvalence, qui rendra aussi nos emplois beaucoup plus stimulants et variés! 


3 - L’importance de l’intelligence émotionnelle

Finalement, une place où l’IA aura toujours un pas de recul est dans l’intelligence émotionnelle. C’est une opportunité de maintenir un fort sentiment de compétence, dans la compréhension de nous-mêmes et des autres. À ce chapitre, encore une fois, l’IA peut nous aider, être un assistant. Alors que l'IA va continuer de transformer les industries et de remodeler le monde du travail, l'intelligence émotionnelle joue un rôle crucial dans le leadership, l'interaction humaine, la communication efficace, la résilience, l'adaptabilité, la résolution des conflits et l'innovation. 

C’est une compétence essentielle pour connecter avec les autres, inspirer et diriger de manière authentique. Elle favorise la confiance et la collaboration entre les personnes, qui rappelons-le, seront encore essentielles au monde du travail. Le volet éthique est aussi à prendre en considération. Alors que que l'IA excelle dans le traitement des données et l'automatisation, l'intelligence émotionnelle, elle, apporte la touche humaine nécessaire pour l'empathie, la compréhension et la connexion.

Alors que l'IA va s’intégrer davantage dans les environnements professionnels, l'intelligence émotionnelle apparaît comme une compétence essentielle qui complète les capacités de l'IA en permettant aux individus d'établir des connexions avec les autres sur un plan émotionnel. Cette approche centrée sur l'humain est vitale pour maintenir le sentiment de compétences et se sentir utile et efficace dans le futur.

En résumé:

  • L’opportunité de se concentrer sur des tâches plus complexes va arriver rapidement.
  • Développer sa polyvalence sera assurément un vecteur de succès.
  • L’intelligence émotionnelle nous permettra de combler notre sentiment de compétences.

L’affiliation sociale

Le dernier grand besoin fondamental est l’affiliation sociale. Il représente le désir de faire partie d’un groupe, de connecter avec les autres, de développer un sentiment d’appartenance. La connexion avec les autres permet de se sentir valorisé·es, soutenu·es et procure un sentiment de bien-être.

Ce grand besoin psychologique a été très mis à mal depuis 2020. La pandémie a fondamentalement changé les liens entretenus avec les autres. Une grande partie des interactions sociales se passaient historiquement dans le milieu de travail, et ce n’est plus le cas. Malheureusement, les médias sociaux ne pourront jamais remplacer les connexions en personne avec les autres. Il faut des contacts en personne pour déclencher les hormones qui atténuent le stress et qui rendent heureux·euses, plus en santé et plus positif·ves.

« Virtual work engenders uncertainty because workplace and interpersonal cues are less available or reliable in providing virtual workers with role clarity and ensuring smooth interactions. Indeed, ‘screen’ interactions are more stressful and effortful than face-to-face interactions. »

Understanding and shaping the future of work with self-determination theory.

Le télétravail, omniprésent et clairement là pour rester, vient en contradiction complète avec ce besoin fondamental. C’est vrai, il a amené beaucoup plus de flexibilité, permis de gagner du temps de déplacement, de mieux concilier le travail et la vie personnelle. Par contre, les conséquences de la solitude sont dramatiquement plus graves, ce qui peut amener à la dépression, à la sédentarité, aux bris de relations ou aux abus de substances.

Il est essentiel, dans le futur du travail, à court, moyen et long terme, de mettre en place des solutions permettant aux personnes de se rassembler et de connecter ensemble. Que cela nous plaise ou non, que nous trouvions cela injuste ou pas, c’est ce qui motive les entreprises à vouloir ramener les personnes dans les bureaux. Forcer le retour au bureau est toutefois une solution qui s’oppose à notre besoin d’autonomie, mentionné plus haut. Le secret réside donc probablement dans une forme de flexibilité au libre choix des personnes. Bien que cela ne soit pas toujours simplement applicable dans tous les domaines, une discussion s’impose.

Dans l’idée où les personnes ont besoin de sentir qu’elles font partie d’un tout, d’une équipe et de connecter, la vocation des espaces de bureaux ne sera probablement plus de travailler ensemble, mais plutôt de se rassembler autour de nos passions, de nos intérêts et, parfois, de notre travail. Il faut créer des occasions, des moments pour travailler ensemble. Le besoin d’affiliation sociale ne sera pas comblé en allant travailler dans une salle sur son écran, au bureau! Et dans le cas où les bureaux n’existent pas, ce besoin pourra se vivre dans des occasions, des moments particuliers, qui vont venir nourrir le besoin de connexion. 

Il y a 1001 façons créatives de rassembler les équipes de travail pour qu’elles connectent. Il faut les impliquer dans la recherche de solutions pour éviter de perdre de vue ce besoin fondamental. C’est un problème intrinsèquement humain, et tous les outils pour le régler sont disponibles. Il faut absolument le régler!

En résumé:

  • Le besoin d’affiliation sociale est difficile à conjuguer dans les nouveaux modes de travail.
  • C’est essentiel de créer des opportunités et des moments pour combler ce besoin essentiel dans chaque organisation.

Conclusion

Au final, il y a plusieurs possibles, plusieurs angles que le futur du travail peut prendre. Personne n’aurait prédit en 2001 que des dizaines d’heures chaque semaine seraient passées devant un téléphone! Ce qui est inévitable, c’est que tout va continuer à changer et à évoluer. L'amélioration continue de l'intelligence artificielle incitera à sortir de la zone de confort.

Malgré tout, il ne faut jamais oublier que les personnes demeureront centrales au monde du travail. Le défi sera de trouver des façons afin que chaque milieu de travail réponde aux 3 grands besoins fondamentaux: l’autonomie, le sentiment de compétence et l’affiliation sociale! 

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